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Principes généraux

Un employeur peut-il utiliser une caméra pour prouver l'existence d'un motif grave ?

Plusieurs travailleurs ont contesté la validité de leur licenciement.

Dernière mise à jour le 22 février 2024

Plusieurs travailleurs, licenciés en raison d’une faute grave découverte par leur employeur respectif grâce à des images prises par des caméras placées à leur insu, ont contesté la validité de leur licenciement devant les cours et tribunaux et ont obtenu gain de cause.

En effet, les juges ont toujours estimé que le non-respect de la procédure conduisait à la nullité des preuves, avec pour conséquence que le motif grave ne pouvait pas être établi et que le licenciement était donc irrégulier.

La Cour de Cassation a toutefois rendu un arrêt important en la matière le 2 mars 2005.

Faits

Ayant constaté à plusieurs reprises un déficit de caisse dans son magasin, un employeur avait installé une caméra de surveillance orientée vers la caisse enregistreuse. Les images filmées par la caméra lui permirent d'enregistrer des vols dans la caisse et de licencier la travailleuse auteur de ces vols.

La travailleuse licenciée porta l’affaire devant le tribunal, au motif qu’un employeur qui souhaite placer des caméras de surveillance dans son entreprise est tenu de respecter les dispositions de la CCT n° 68 [1]. Concrètement, cela signifie qu'il doit notamment informer les travailleurs sur la présence de ces caméras placées en vue de la surveillance.

L’employeur en question n’avait pas respecté cette obligation d’information. La travailleuse opposa au tribunal que l’employeur ne pouvait pas utiliser ces images, car ceci était contraire au respect de la législation sur la protection de la vie privée.

Décision

La Cour de Cassation [2] jugea que le fait que la preuve ait été obtenue irrégulièrement n’a pas automatiquement pour conséquence que ce matériel ne puisse plus être utilisé. C’est le cas uniquement :

  • Lorsque la loi prévoit que la preuve obtenue irrégulièrement est nulle ou doit être écartée 
  • Lorsque l’irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve 
  • Lorsque l’utilisation de la preuve est contraire au droit à un procès équitable

En dehors de ces trois cas, il appartient au juge d’apprécier, compte tenu des circonstances de l’affaire, si l’utilisation de la preuve dans le procès constitue une infraction à la législation sur la protection de la vie privée.

Dans cette affaire, le juge considéra que les images filmées par la caméra pouvaient être utilisées parce que la caméra était uniquement dirigée sur la caisse enregistreuse du magasin, donc dans un lieu accessible au public, et visait seulement la caisse et non les travailleurs eux-mêmes.

Le juge en déduit qu’aucune infraction n’avait été commise aux dispositions de la CCT n° 68. L’obligation d’informer le travailleur lors de la mise en oeuvre de la surveillance par caméra ne s’applique que s’il apparaît que cette surveillance peut avoir des implications sur la vie privée du travailleur, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

En outre, le droit à la protection de la vie privée n’a pas été créé pour dissimuler des infractions. En l'espèce, l’employeur soupçonnait sérieusement le vol et utilisa la caméra pour en réunir les preuves avant de faire une déposition.

La prudence reste de mise !

Sur la base de cet arrêt de la Cour de Cassation, nous pouvons conclure que dans certains cas, des images obtenues irrégulièrement peuvent également être utilisées comme moyens de preuve devant un juge.

Cet arrêt ne peut toutefois donner toute latitude pour placer des caméras partout dans l’entreprise, sans tenir compte de la législation applicable. Si l’installation des caméras constitue une infraction au respect de la vie privée des travailleurs, le juge pourra considérer que les images prises illicitement doivent être écartées du procès.

Par ailleurs, en dépit de cet arrêt de la Cour de Cassation, il n'y a toujours pas d'unanimité au sein de la jurisprudence. Il ressort en effet d’arrêts plus récents [3] que les juges soit choisissent de prendre en considération, soit choisissent de ne pas prendre en considération les images obtenues en violation de la procédure et donc, d'accepter ou de ne pas accepter le motif grave. Il s’ensuit évidemment que l’employeur s'expose au paiement d’une indemnité de rupture, faute de pouvoir prouver la faute grave commise par le travailleur.

Nous soulignons aussi que d'autres arrêts ont été rendus en la matière. Vous en trouvez l'exposé dans la fiche "Vie privée – 3. La surveillance par caméras" de notre dossier "Vie privée".  Contactez votre Legal Advisor Securex si vous avez besoin de conseils.

[1] Convention collective de travail n° 68 du 16 juin 1998 conclue au sein du Conseil National du Travail (www.cnt-nar.be).

[2] Arrêt de la Cour de Cassation du 2 mars 2005 (www.juridat.be).

[3] Cour du travail de Bruxelles, 15 juin 2006 et 7 février 2013, et Cour du travail de Liège, 6 mars 2007. Dans son arrêt du 7 février 2013, la Cour du travail de Bruxelles a jugé que le raisonnement de la Cour de Cassation ne pouvait être utilisé en droit du travail. Dans un arrêt du 2 octobre 2015, la même Cour a jugé que les principes de l'arrêt de la Cour de cassation du 2 mars 2005 sont aussi valables en droit social.

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