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Principes généraux

Un employeur peut-il fouiller ses travailleurs pour prouver l'existence d'un motif grave ?

La loi réglementant la sécurité privée et particulière autorise un contrôle des travailleurs.

Dernière mise à jour le 19 janvier 2024

Dans certains cas et à certaines conditions particulières.

Le principe général est l'interdiction de contrôler les vêtements et/ou les biens personnels des travailleurs. Par dérogation à cette interdiction de principe, les biens des travailleurs peuvent toutefois être contrôlés à la sortie de l'entreprise ou du lieu de travail, si le contrôle est réalisé dans le but exclusif de prévenir ou de constater le vol de biens au sein de l'entreprise ou sur le lieu de travail [1].

Attention cependant, le contrôle des vêtements et donc la fouille corporelle restent interdits.

Types de contrôle permis

Il peut s'agir :

  • Du contrôle individuel d'un travailleur déterminé, mais uniquement s'il existe, à la lumière du comportement de l'intéressé, des indices matériels, des circonstances ou des indications sérieuses que la personne a dérobé des biens
  • D'un contrôle par échantillonnage

Moyennant autorisation du SPF Affaires intérieures, il est également possible de procéder à des contrôles systématiques. Cette autorisation est toujours limitée dans le temps [2] et ne sera octroyée que si les conditions suivantes sont simultanément remplies:

  • La demande de procéder à un contrôle systématique émane de l'entreprise ou du service auquel appartiennent les agents de surveillance qui procéderont aux contrôles
  • Il ressort d'un avis de sécurité que d'autres moyens ou méthodes empiétant moins sur la vie privée ne peuvent contribuer efficacement à la prévention ou la constatation de vols au sein de l'entreprise
  • Un accord relatif à ces contrôles a été conclu au sein du conseil d'entreprise ou, à défaut, avec la délégation syndicale ou, à défaut, avec les travailleurs

Conditions à respecter

Quel que soit le type de contrôle auquel l'employeur souhaite procéder, les conditions suivantes doivent être simultanément remplies:

  • Le contrôle ne peut être effectué que par une entreprise de gardiennage, dans le cadre de son activité de contrôle des personnes en vue de garantir la sécurité (dans les endroits accessibles ou non au public)
  • Les travailleurs concernés doivent se soumettre volontairement au contrôle
  • Le contrôle porte exclusivement sur les biens qui sont pertinents pour la constatation ou la prévention de vols
  • Les travailleurs concernés sont informés au plus tard au moment où ils pénètrent dans l'entreprise ou le lieu de travail que des contrôles peuvent être effectués à la sortie
  • Le contrôle est effectué conformément aux conditions d'information et d'autorisation de la convention collective de travail conclue à ce sujet au sein du Conseil National du Travail et, si cette CCT n'est pas applicable, uniquement moyennant le consentement individuel du travailleur
  • Le contrôle portera exclusivement sur le contrôle des biens présentés volontairement par le travailleur et qu'il porte sur lui ou dans son bagage à main ou qui se trouvent à l'intérieur de son véhicule

Lorsqu'il s'agit d'un contrôle individuel, la loi précise par ailleurs que le travailleur doit toujours donner son autorisation individuelle.

Précisions apportées par la CCT n°89

Afin d'éviter que l'application de la loi ne mène à des excès, le Conseil National du Travail a conclu une convention collective de travail définissant les conditions et la procédure auxquelles les contrôles de sortie sont possibles [3].

Conditions

Les conditions mentionnées dans cette convention correspondent en grande partie à celles imposées par la loi, mais apportent toutefois quelques précisions :

  • Les contrôles de sortie ne sont autorisés que s'ils visent à prévenir ou à constater le vol de biens dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Ils ne peuvent donc pas avoir pour but de contrôler les prestations de travail ou la présence des travailleurs
  • Les contrôles de sortie ne peuvent être excessifs. En première instance, l'employeur prendra toujours la mesure de contrôle impliquant le moins d'ingérence dans la vie-privée du travailleur
  • Les contrôles de sortie systématiques ne sont autorisés que s'ils se font par le biais d'un système de détection électronique ou technique
  • Les contrôles de sortie effectués par des personnes doivent obligatoirement se faire par des agents de surveillance et ne peuvent se faire que :
    • par échantillonnage, en vue de la prévention du vol et pour tous les travailleurs sans distinction
    • s'il existe, à la lumière du comportement de l'intéressé, des indices matériels, des circonstances ou des indications sérieuses que la personne a dérobé des biens
  • Le contrôle de sortie se limite exclusivement aux biens présentés volontairement par le travailleur et qu'il porte sur lui ou dans son bagage à main, ou qui se trouvent à l'intérieur de son véhicule
  • Le contrôle de sortie ne peut concerner que les biens pertinents au regard de l'objectif de prévention et de constatation des vols

Conditions de procédure

L'employeur doit fournir les informations requises au conseil d'entreprise [4] et ce, tant au préalable que lors du lancement du système de contrôle [5]. Ces informations doivent porter au moins sur :

  • Le périmètre de l'entreprise ou du lieu de travail
  • Les risques de vol dans l'entreprise ou le lieu de travail
  • Les mesures qui ont été/sont prises pour prévenir ces risques ou y remédier
  • Les méthodes de contrôle

Outre l'obligation d'information, l'employeur doit obtenir l'autorisation des travailleurs susceptibles d'être contrôlés :

  • S'il s'agit du contrôle d'un ou de plusieurs travailleurs sur la base de présomptions graves, l'autorisation individuelle du/des travailleur(s) concerné(s) est toujours requise;
  • S'il s'agit d'un contrôle systématique ou par échantillonnage, une autorisation collective suffit. Cela doit ressortir du procès-verbal du conseil d'entreprise ou du comité de prévention et de protection au travail concernant ces contrôles ou, à défaut de ces organes, de l'insertion du droit de contrôle par l'employeur dans le règlement de travail [6].

Remarque : la procédure de modification du règlement de travail ne doit pas être suivie en cas de modification de l'information relative aux contrôles de sortie et à la désignation de l'entreprise de gardiennage chargée du contrôle.

Sanctions

L'employeur qui ne respecte pas les conditions et procédures susmentionnées est présumé ne pas avoir reçu de ses travailleurs l'autorisation d'effectuer des contrôles. Le cas échéant, les travailleurs peuvent refuser les contrôles sans pour autant risquer de sanctions. Par ailleurs, les preuves obtenues seront considérées comme irrégulières. Elles ne pourront donc pas être utilisées pour prouver, le cas échant, un motif grave.

Les constatations qui peuvent être utilisées contre le travailleur doivent être communiquées par écrit à l'employeur et le travailleur doit pouvoir en recevoir une copie.

Jurisprudence

Fouille d'un vestiaire

La Cour du Travail de Bruxelles a rendu un arrêt en cette matière le 5 octobre 2004 [7]. En voici les extraits les plus significatifs.

"La fouille du vestiaire d'une employée, vestiaire fermé au moyen d'une clé que seule la travailleuse détient, constitue une atteinte à la vie privée de cette employée. L'utilisation de la clé et son autorisation par l'employeur indiquent en effet de manière certaine que la travailleuse pouvait faire un usage privatif et protégé de cet endroit.

La fouille peut se justifier, selon les circonstances, afin de contrôler la travailleuse, de constater ou prouver les fautes susceptibles de constituer un motif grave. L'exercice par l'employeur de son pouvoir d'autorité et de contrôle sont en effet des buts légitimes.

Cependant, la fouille du vestiaire personnel de la travailleuse, effectuée par le supérieur hiérarchique et une collègue, alors que la travailleuse est absente (en vacances), qu'elle n'a pas été avertie de la fouille et qu'elle ne l'a pas autorisée, porte atteinte à la vie privée de manière excessive par rapport aux nécessités du contrôle de l'employeur.

En effet, la fouille aurait pu se produire, à tout le moins, en présence de la travailleuse. Celle-ci aurait ainsi eu l'occasion, par exemple, d'émettre des objections qui auraient pu s'avérer justifiées, ou de reconnaître la faute reprochée ce qui aurait rendu la fouille inutile, évitant ainsi toute atteinte à la vie privée".

Fouille d'un sac personnel

Le Tribunal du Travail de Nivelles a également décidé, dans un jugement du 2 août 2002 que "la preuve obtenue par la fouille du sac personnel d'un travailleur sans avoir sollicité ni, a fortiori, obtenu son consentement exprès de la sorte est une preuve illicite et ne peut être prise en considération dans l'appréciation d'un motif grave (un vol prétendu)".

Contrôle à la sortie

La Cour du travail de Bruxelles a jugé le 21 octobre 2014 que le refus du travailleur de se faire contrôler n'était pas constitutif de motif grave lorsque les conditions de l'article 8 de la CCT n° 89 n'ont pas été respectées. Le contrôle en cas de suspicion de vol doit en effet avoir lieu après accord individuel et par des agents de sécurité qualifiés, à défaut, la police doit être avertie.

[1] La notion de liste spéciale dont il était question auparavant a disparu des dispositions légales, de telle sorte que les contrôles peuvent concerner tous les biens et toutes les entreprises.

[2] Elle peut être renouvelée.

[3] Convention collective de travail n°89 conclue au sein du Conseil National du travail (www.cnt-nar.be).

[4] Ou, à défaut, au comité pour la prévention et la protection au travail ou, à défaut, à la délégation syndicale ou, à défaut, aux travailleurs.

[5] Ces informations doivent permettre au conseil d'entreprise de procéder en connaissance de cause à des échanges de vue au cours desquels les membres pourront formuler leurs avis, suggestions ou objections (article 3 de la CCT n° 9).

[6] Il est également possible de conclure à ce sujet une convention collective de travail au niveau de l'entreprise.

[7] Cet arrêt peut être consulté sur www.juridat.be.

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