Important ! Au niveau de la protection contre le licenciement et contre les représailles, une distinction doit être faite entre deux situations :
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Les situations de violence et de harcèlement moral à caractère non discriminatoire. La protection est alors réglée par la loi bien-être selon les principes qui suivent.
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Les situations de violence et de harcèlement moral à caractère discriminatoire et les situations de harcèlement sexuel. La protection est alors réglée par les lois anti-discrimination. Vos travailleurs sont mieux protégés contre les mesures préjudiciables
Principe
Pour permettre aux travailleurs de dénoncer des faits de violence ou de harcèlement moral ou sexuel sans crainte de représailles, une protection spéciale contre le licenciement a été prévue. Cela signifie que l’employeur ne peut :
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ni mettre fin à la relation de travail, ni prendre une mesure préjudiciable après la cessation des relations de travail pour des motifs liés au dépôt ou au contenu de la demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral au travail, de la plainte, de l’action en justice ou du témoignage ;
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ni prendre une mesure préjudiciable pendant la relation de travail pour des motifs liés au dépôt ou au contenu de la demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral au travail, de la plainte, de l’action en justice ou du témoignage sauf s’il s’agit d’une mesure de prévention prise pour éliminer le danger, prévenir ou limiter les dommages et pour autant qu’elle présente un caractère proportionnel et raisonnable.
La charge de la preuve des motifs du licenciement et de la justification des conditions de travail modifiées incombe à l’employeur pendant la durée de la protection (voyez ci-après).
Bénéficiaires de la protection
Les travailleurs qui sont effectivement protégés contre le licenciement sont les travailleurs qui :
- Ont introduit une demande d'intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au niveau de l'entreprise ou de l'institution qui les occupe selon les procédures en vigueur. Les travailleurs ayant introduit une demande informelle ou ceux qui ont introduit une demande formelle pour des faits autres que la violence ou le harcèlement moral ne sont donc pas protégés ;
- Ont introduit une plainte auprès du service Contrôle du bien-être au travail mais uniquement lorsque :
- L'employeur n'a pas désigné de conseiller en prévention spécialisé dans les aspects psychosociaux du travail ;
- L'employeur n'a pas mis en place de procédures internes ;
- La demande d'intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement n'a pas, selon le travailleur, abouti à mettre fin aux faits ;
- Les procédures n'ont pas, selon le travailleur, été appliquées légalement. Il importe peu que le travailleur se soit trompé, ce qui importe c'est qu'il ait tenté d'utiliser la procédure interne.
- Ont introduit une plainte auprès de la police, du ministère public ou du juge d’instruction mais uniquement lorsque :
- L'employeur n'a pas désigné de conseiller en prévention spécialisé dans les aspects psychosociaux du travail ;
- L'employeur n'a pas mis en place de procédures internes ;
- La demande d'intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement n'a pas, selon le travailleur, abouti à mettre fin aux faits ;
- Les procédures n'ont pas, selon le travailleur, été appliquées légalement ;
- La procédure interne n'est pas appropriée, vu la gravité des faits dont il a été l'objet. Par exemple, en cas de viol, de traitement inhumain,…
- Ont introduit une action en justice ou pour lesquels est intentée une telle action tendant à faire respecter les obligations légales en matière de violence et de harcèlement au travail. Le tribunal pourra ultérieurement estimer qu'une plainte interne aurait au préalable du être déposée, le travailleur perdra alors le bénéfice de la protection;
- Interviennent en tant que témoins par le fait qu'ils portent, dans le cadre de la demande d'intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral au travail, à la connaissance du conseiller en prévention, dans un document daté et signé, les faits qu'ils ont eux-mêmes vus ou entendus sur la situation qui fait l'objet de la demande ou par le fait qu'ils interviennent comme témoins en justice.
Prise de cours de la protection et information de l'employeur
Le point de départ de la protection est le moment où l’employeur a connaissance ou a pu raisonnablement avoir connaissance de l’introduction de la demande d’intervention psychosociale formelle, du signalement, de la plainte ou du dépôt de témoignage.
Lorsqu'une procédure est entamée sur base d'une demande d'intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail au niveau de l'entreprise ou de l'institution, le conseiller en prévention informe l'employeur :
1° dès que la demande est acceptée, du fait que le travailleur qui a déposé cette demande bénéficie d'une protection contre les mesures préjudiciables;
2° du fait que le travailleur qui intervient comme témoin par le fait qu'il porte, dans le cadre de l'examen de la demande, à la connaissance du conseiller en prévention, dans un document daté et signé21, les faits qu'il a lui-même vus ou entendus et qui portent sur la situation qui fait l'objet de la demande, bénéficie d'une protection contre les mesures préjudiciables, pour autant que ce travailleur ait donné son consentement à cette communication.
L’employeur peut également être informé du fait que le travailleur est protégé :
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par la direction du Contrôle du bien-être au travail, les services de police, le ministère public ou le juge d’instruction s’il s’agit d’un travailleur qui a déposé une plainte ;
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par le travailleur lui-même s’il s’agit d’un travailleur qui intente ou pour lequel est intentée une action en justice tendant à faire respecter la réglementation ;
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par le travailleur lui-même s’il s’agit d’un travailleur qui est témoin en justice.
Durée de la protection
La protection contre le licenciement a une durée indéterminée, mais la charge de la preuve est inversée :
- 12 mois après le moment où l’employeur a eu connaissance ou a pu raisonnablement avoir connaissance de l’introduction d’une demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral au travail, de la plainte ou du dépôt de témoignage
- 3 mois après que le jugement est passé en force de chose jugée, si le travailleur a introduit une action en justice.
En d'autres mots, lorsque le travailleur est licencié pendant ces périodes, l'employeur doit pouvoir démontrer que le licenciement n'est pas lié au dépôt ou au contenu de la demande d'intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral au travail, de la plainte, de l’action en justice ou du témoignage.
En revanche, si le travailleur est licencié après ces périodes, il peut encore invoquer la protection contre le licenciement, mais il doit alors lui-même prouver que le licenciement est lié au dépôt ou au contenu de la demande, de la plainte, de l’action en justice ou du témoignage
Sanctions
Si, au cours de la période de protection, l’employeur ne respecte pas la protection, le travailleur concerné (ou l’organisation de travailleurs à laquelle il est affilié) peut demander sa réintégration dans les conditions qui prévalaient avant la rupture ou la modification des conditions de travail. Cette demande est donc facultative.
La demande est faite par lettre recommandée à la poste dans les 30 jours qui suivent la date de la notification du préavis, la rupture immédiate ou la modification unilatérale des conditions de travail.
L’employeur a ensuite 30 jours pour prendre une décision. Si l’employeur décide d’accéder à la demande de réintégration, l’employeur est tenu de payer au travailleur la rémunération perdue et de verser à l’ONSS les cotisations patronales et les cotisations personnelles du travailleur y afférentes.
Dans deux cas, l’employeur est redevable d’une indemnisation au travailleur :
- Lorsque l’employeur refuse la demande de réintégration dans les conditions qui prévalaient avant la rupture ou la modification des conditions de travail et que le juge a estimé que le licenciement ou la mesure prise par l'employeur était contraire à la protection contre le licenciement ;
- Lorsque le travailleur n’a pas demandé sa réintégration et que le juge a estimé que le licenciement ou la modification unilatérale des conditions de travail était contraire à la protection contre le licenciement.
L'indemnité est égale, au choix du travailleur :
- Soit à un montant forfaitaire correspondant à la rémunération brute de 6 mois,
- Soit au préjudice réellement subi par le travailleur. Dans ce dernier cas, le travailleur doit prouver l'étendue de ce préjudice.
Cette indemnité n'est pas assujettie aux cotisations de sécurité sociale.
Depuis le 1er juin 2023, cette indemnité peut être cumulée avec les dommages et intérêts octroyés en réparation du dommage découlant du comportement de violence ou de harcèlement.
Indemnisation forfaitaire de la victime
Principe
Le travailleur peut également demander des dommages et intérêts à charge de l'auteur des faits au tribunal du travail, et ce en réparation du préjudice matériel et moral causé par la violence ou le harcèlement moral ou sexuel au travail.
Ces dommages et intérêts ne sont pas considérés comme de la rémunération.
Montant
Ce dédommagement s'élève, au choix de la victime :
- Soit au dommage réellement subi par elle, à charge pour elle de prouver l'étendue de ce dommage ;
- Soit à un montant forfaitaire correspondant à 3 mois de rémunération brute. Le montant s'élève à 6 mois de rémunération brute dans l'une des trois hypothèses suivantes :
- Les conduites sont liées à un critère de discrimination visé dans les lois tendant à lutter contre les discriminations ;
- L'auteur se trouve dans une relation d'autorité vis-à-vis de la victime ;
- En raison de la gravité des faits.
Ce montant forfaitaire s'applique aux faits commis après l'entrée en vigueur de la loi (1er septembre 2014) ainsi qu'aux situations de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail ayant débuté avant cette date qui perdurent postérieurement.
Plafond
La rémunération mensuelle brute servant de base à la fixation du montant forfaitaire ne peut pas dépasser le montant des salaires mentionné à l'article 39 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, divisé par 12. Le montant annuel s'élève à 35.369,49 euros (montant non indexé).
Il est adapté chaque année à l'indice des prix à la consommation. Vous trouvez le montant adapté dans nos Montants clés, sous le mot-clé "Accidents du travail".
Qui peut demander ce forfait ?
Le travailleur peut demander cette indemnisation forfaitaire, mais aussi le tiers harcelé dans le cadre de son activité professionnelle (client, fournisseur, …). Si le tiers entre en contact avec le travailleur mis en cause dans un cadre privé, il n'y aura pas d'indemnisation forfaitaire.