Réduire le stress au travail : la parole aux experts
Comment un manager peut-il aider à réduire le stress au travail ?
Depuis la crise du coronavirus, un nouveau virus se répand dans les lieux de travail. Les collaborateurs sont plus souvent fatigués, souffrent davantage de soucis physiques et mentaux, ou sont lassés de leur travail. Comment l’expliquer ? Et en tant que responsable d’entreprise, comment faire pour détecter les signaux à temps et proposer une réaction adaptée ?
Risques psychosociaux : définition
Les dommages mentaux ou physiques subis par un ou plusieurs travailleurs suite à des conditions de travail ou des relations interpersonnelles au sein de l’environnement de travail. Il s’agit de risques sur lesquels l’employeur a une influence, tels que le harcèlement moral et sexuel, la violence, le stress, l’anxiété et le burn-out.
Au travers de son initiative Fit for Change (toujours prêt au changement), Securex a analysé les réponses et expériences de différents responsables d’entreprise et experts.
Bien identifier les causes
« Pourrais-tu rappeler plus tard ? Il y a un souci, je dois aller sur la ligne de production. » Juste avant notre rendez-vous, Heidi Jans prévient par message que l’entretien ne peut pas se faire tout de suite. Avec son partenaire Anthony, Heidi a créé l’année passée Vonk Culinary Cheese, une entreprise de production laitière qui compte 14 travailleurs.
Nous privilégions un emploi durable, dans une entreprise où tout le monde se connaît bien et où il est facile de reprendre les tâches d’un collègue.
Heidi Jans
Vonk Culinary Cheese fabrique notamment du fromage râpé, des petits cubes de fromage pour l’apéritif et des tranches de fromage pour hamburgers. Alors que leur autre entreprise de produits laitiers a connu un démarrage sans accroc il y a cinq ans, le couple connaît un parcours plus houleux pour le lancement de leur site de production. La raison : la recherche constante de bons profils de collaborateurs.
La crise du coronavirus a conduit certains collaborateurs à se demander s’ils souhaitaient rester dans l’entreprise et à s’interroger sur la suite de leur carrière. Ils sont lassés de leur travail ou veulent faire autre chose. « Quand on aborde la chose, le sujet ‘salaire’ arrive vite sur le tapis », témoigne Heidi par la suite, lorsque la ligne de production tourne à nouveau normalement.
« Nous suivons l’indexation et donnons parfois des bonus, mais nous expliquons en même temps que chez nous, on travaille dans une petite équipe soudée, avec un travail assez flexible. Nous privilégions un emploi durable, dans une entreprise où tout le monde se connaît bien et où il est facile de reprendre les tâches d’un collègue. »
Beaucoup de responsabilités entraînent du stress au travail
Heidi demande la loyauté nécessaire à ses collaborateurs. Contrairement à leurs collègues employés, les travailleurs de l’équipe de production ne peuvent pas aussi facilement rester à la maison parce qu’ils attendent un réparateur ou doivent aller chez le dentiste. « Nous avons plus de règles pour nos opérateurs que pour nos employés, ce qui fait que les opérateurs manquent un peu d’autonomie.
Nous abordons la chose en leur expliquant bien au préalable notre manière de travailler, et ce qui est important à nos yeux. Avant de commencer comme intérimaire chez nous, on peut faire trois jours d’essai. Nous assurons la formation, mais nous demandons aussi à nos collaborateurs qu’ils apprennent les uns des autres. »
Cela implique des responsabilités que tout le monde ne peut ou ne veut pas porter. Ainsi, un opérateur a récemment jeté l’éponge car il manquait un peu de confiance en lui et ressentait trop de stress. « Dommage », estime Heidi. « C’était un débutant prometteur qui montrait une implication positive. Il n’avait pas le diplôme requis, donc nous lui avons permis de suivre une formation complémentaire. Mais il a continué à éprouver des difficultés avec la pression. »
Réduire le stress des collaborateurs au travail
Il est possible de lutter contre le stress en s’assurant que les collaborateurs restent satisfaits. Comment faire ? Simple, selon Heidi : en les considérant avant tout comme des personnes. « Nous n’organisons pas d’entretiens, d’évaluation formels, et n’attribuons jamais de notes à nos collaborateurs. Nous travaillons avec un système d’évaluation continue qui fonctionne dans les deux sens. Les collègues ont mon numéro de GSM et peuvent m’appeler à tout moment. Je réalise que cela n’est pas idéal, mais cela contribue à une ambiance conviviale dans laquelle il est possible de demander un effort supplémentaire. »
Le fait d’avoir un objectif clair aide également à entretenir la motivation des équipes. Quand les collaborateurs savent pourquoi ils doivent faire quelque chose, et qu’ils comprennent la raison d’être d’une entreprise, ils sont plus enclins à garder le cap.
« Ce n’est pas toujours facile de motiver nos opérateurs », témoigne Heidi. « Parfois, le contenu du travail ne les intéresse pas. Mais quand je leur explique qu’ils sont aussi en partie responsables de la sécurité alimentaire, ils comprennent que leur travail a aussi son importance. »
Conseils pour réduire le stress des responsables d’entreprise au travail
Les travailleurs ne sont pas les seuls à parfois éprouver trop de stress. Les responsables d’entreprise, indépendants et freelances peuvent aussi être en proie à des risques psychosociaux au travail. « Cela se remarque lorsque votre fonctionnement diffère de votre normale », indique Elke Van Hoof, psychologue spécialisée dans le burn-out qui propose dans son cabinet un soutien aux responsables d’entreprise. « On ne peut plus être à fond tous les jours : on arrive encore à bien faire son travail un jour par semaine, mais plus le reste de la semaine. »
Pour les travailleurs qui se retrouvent dans cette situation, la solution est claire : arrêter de travailler pendant un moment. Mais les responsables de PME et les indépendants n’ont pas cette possibilité. « Ils travaillent très dur et se retrouvent souvent sur le fil du rasoir », réalise bien Elke. « Une entreprise doit continuer à tourner. Puis il y a la mentalité d’entrepreneur. La personne qui a une entreprise ne jette pas facilement l’éponge. Les revenus de remplacement ne sont pas une option : on ne reçoit une telle indemnité que lorsqu’on stoppe complètement ses activités. »
Comment un entrepreneur ou un indépendant peut-il déconnecter ? Pour Elke, il faut savoir revenir à l’essentiel : « Posez-vous la question de savoir dans quel domaine vous êtes vraiment bon, un domaine dans lequel vous gagnez aussi le plus facilement de l’argent. Concentrez-vous dessus et osez réduire d’autres activités. Cela donne de l’énergie et peut servir de tremplin vers des temps meilleurs.
Utilisez aussi votre réseau. Le sentiment d’appartenance peut représenter une forme de soutien et aider à réduire le stress au travail. »
Travailler avec une vision d’avenir
De nombreuses entreprises s’inquiètent de savoir comment aller de l’avant aujourd’hui. La guerre en Ukraine et la crise énergétique entament la confiance et le bien-être au travail : arriverons-nous à continuer à produire, au vu de l’augmentation des coûts ? Les prix doivent-ils être augmentés ? Comment l’index en hausse va-t-il influencer les résultats de l’entreprise ?
Pendant toutes ces années où j’ai accompagné des responsables d’entreprise et CEO, j’ai appris que tout s’arrange toujours.
Elke Van Hoof
« Un entrepreneur se sent responsable de ses travailleurs. En même temps, ils sont captifs de la réalité et doivent faire avec les moyens de l’entreprise », constate Elke. « Pendant toutes ces années où j’ai accompagné des responsables d’entreprise et CEO, j’ai appris que tout s’arrange toujours. Et si ça ne s’arrange pas aujourd’hui, cela veut dire que le travail n’est pas encore terminé. »
« C’est peut-être l’aspect le plus difficile de l’entrepreneuriat : réaliser que le travail n’est jamais fini », estime Heidi. « Depuis juillet de l’année dernière, mon partenaire et moi travaillons non-stop. Nous avons abandonné toute forme de détente : fini le yoga, moins de temps pour la famille et les amis. Les balades quotidiennes avec nos chiens se sont réduites jusqu’à devenir hebdomadaires, et ce sont les enfants qui s’en chargent maintenant. L’ordinateur nous accompagne en voyage, car tout continue à tourner, même quand on est en vacances. Mais nous savons que cela va s’améliorer. L’expérience de notre ancienne entreprise m’a appris qu’après 2 ans, on revient dans des eaux plus calmes. »
Heidi travaille avec des listes de priorités en sachant qu’elle peut aussi s’en détacher. « On peut planifier tant qu’on veut, cela se passe souvent différemment dans la pratique. J’essaie d’accepter le fait que je ne peux pas tout faire. Si je me promène dans l’entreprise, tout le monde m’accoste. J’approuve les factures, je garde un œil sur le labo et j’arrange des commandes avec les fournisseurs. Et s’il n’y a pas de café pendant 2 jours, tant pis, c’est comme ça. Parfois, il faut savoir se satisfaire d’un 7 sur 10. »
Conseils contre le stress au travail
Pour les travailleurs :
- Prévoyez du temps pour bien vous concentrer afin d’avancer sur vos tâches.
- Gardez le besoin de se détendre à l’esprit, et faites de ces moments de jeu des moments de connexion.
- Reposez-vous à temps, gardez une bonne alimentation et faites régulièrement de l’exercice.
Pour les responsables d’entreprise :
- Mettez l’accent sur l’aspect humain avec les collaborateurs, par exemple en organisant une évaluation continue dans les deux sens.
- Faites en sorte que l’objectif de l’entreprise et le but du travail soient bien clairs dans l’esprit des collaborateurs, pour les motiver.
- Déconnectez un peu en vous concentrant sur les points forts de votre entreprise et en jetant (temporairement) du lest.
- Utilisez votre réseau pour trouver du soutien.
- Restez positif et envisagez l’avenir avec confiance.
- Travaillez avec des listes de priorités et apprenez à vous détacher de choses moins importantes.
Réaction de l’experte Sylvie Bracqué au récit de Heidi
Un cerveau en bonne santé pour éviter le stress
Le stress au travail n’est pas anormal. « Cela crée une substance dans votre corps qui vous donne un coup de boost et vous permet d’affronter davantage de choses », précise Sylvie Bracqué, coach en ressources humaines. Ce n’est que lorsqu’on ne récupère pas assez et qu’on ressent ce stress pendant trop longtemps, qu’il devient chronique et a un effet négatif sur le bien-être.
« Votre corps vous envoie des signaux : vous êtes par exemple plus rapidement fatigué, vous avez des migraines et ressentez des tensions, vous dormez moins bien. Cela peut se traduire par un changement de comportement, comme des sautes d’humeur ou des problèmes de concentration. »
Le stress diffère d’une personne à l’autre, ce qui fait qu’il n’est pas toujours évident pour les employeurs de savoir quand un collaborateur risque de se retrouver dans une impasse. « Chaque corps est différent », confirme Sylvie. « En outre, les gens ont tendance à continuer à travailler quand les choses vont mal, ou alors ils nient le fait qu’il se passe quelque chose. Et quand ils trouvent enfin le courage de tirer la sonnette d’alarme, il est souvent trop tard. Voilà pourquoi c’est une bonne idée de renforcer les gens et de les informer sur ce qu’ils peuvent faire pour améliorer leur résistance au stress. »
Outre le stress, le burn-out, les conflits et même – en de plus rares occasions – le harcèlement et le suicide sont d’autres risques psychosociaux que l’on peut rencontrer au travail. Ils perturbent le bien-être des travailleurs individus et peuvent peser sur l’ambiance de groupe. Se rendre au travail devient alors tout, sauf un plaisir.